Un discours pas comme les autres

Un discours pas comme les autres

Crédit photo : Charpente Chateau Sully, par lluuccss, sous C.C. BY-SA 2.0

Je dirige une structure d’insertion pour Emmaüs, entre autre j’essaye d’insérer des gens de la rue en leur redonnant un semblant d’espoir, qu’ils puissent se tenir debout à nouveau.

Nous construisons des maisons, pas seulement, l’homme aussi et demain nous en inaugurons deux à Aubervilliers. Un travail titanesque qui nous aura pris plus d’un an.

Il y a quelques jours, j’apprends que mon Président ne sera pas là et que je dois me coller à la tâche du discours officiel… au secours !

Probablement le seul et unique de ma vie.

Autre figure de style, exercice difficile mais que je partage avec vous, comme un peu de mon univers, mais qui quelque part touche à ce que nous sommes profondément…

Allez bon courage pour la lecture 🙂 et je ne vous en voudrai pas si vous zappez… 🙂

Solveen

 

Monsieur le Maire, Monsieur le représentant du Préfet,

Madame la première adjointe, Monsieur l’adjoint aux politiques sociales,

Monsieur le Vice Président de Plaine Commune,

Mesdames et messieurs les représentants de la région et du département,

Mesdames et messieurs les élus et représentants des collectivités locales,

Monsieur le Directeur Général d’Habitats Solidaires, Monsieur le Président de Neuilly Emmaüs Avenir, chers amis représentants d’Emmaüs et de la Fondation Abbé Pierre,

Mesdames, messieurs, chers amis,

J’ai l’honneur de prendre aujourd’hui la parole devant vous en l’absence de notre Président, Frédéric ANQUETIL, qui est malheureusement retenu en Afrique mais qui nous adresse toutes ses meilleures pensées.

Il y a maintenant plus d’une année, nous étions tous réunis pour inaugurer ce terrain, pour nous engager ensemble dans un projet social et solidaire qui de l’avis de tous serait long et difficile.

Mais, si j’avais une pensée à retenir aujourd’hui et à partager avec vous, ce serait de dire que « là où la volonté est grande, les difficultés diminuent ».

Lorsque je vois le résultat, lorsqu’avec les Bâtisseurs nous avons vu le sourire des familles, les voir emménager, prendre possession des lieux, lorsque nous avons entendu les rires des enfants, je me dis que les difficultés ne sont décidément pas faites pour nous abattre, mais bien pour être battues.

Dans la tradition du premier combat de l’Abbé Pierre qui fût la lutte contre le mal logement, les Bâtisseurs œuvrent aujourd’hui à remettre les hommes debout, dans leur vie de tous les jours, dans leur travail en leur permettant à leur tour de tendre la main vers plus souffrants qu’eux.

Qu’ils puissent devenir acteurs de leur propre vie en retrouvant le sens des choses simples.

Un pari hors norme, une utopie comme seule Emmaüs nous en offre encore aujourd’hui, et c’est parce que nous y avons cru, parce que des hommes et des femmes se sont battus à nos côtés, qu’il est possible de construire de vraies maisons de qualité avec pour seul crédo l’envie de faire quelque chose ensemble, pour les autres.

Monsieur le Maire, Madame Yonnet, Monsieur Logre, Monsieur Launay, Madame Emel, Madame Cervelle et tous les services de la ville qui se sont mobilisés pour nous, François, Dorothée, merci de nous avoir permis de mener ce projet à bien, merci d’avoir cru en nous alors que nous n’en n’étions qu’à des balbutiements, de nous avoir suivi dans notre envie de soulever des montagnes dans un contexte où souvent la réalité nous interdit de changer les choses.

À Emmaüs France, à la Fondation Abbé Pierre, une énorme fierté de porter les couleurs de notre mouvement, de voir que de tels défis peuvent être relevés. À tous ceux qui dans l’ombre ont permis que ces maisons voient le jour.

À Neuilly Emmaüs Avenir qui nous a soutenus dans les moments difficiles à deux doigts d’une fermeture certaine, à la Région qui a soutenu ce projet, à la Fédération des promoteurs immobiliers représentée aujourd’hui par son Président M. François Payelle, qui a soutenu notre initiative.

À Christophe AUGER d’ALJ 93 qui malheureusement n’est pas parmi nous aujourd’hui, mais qui nous a ouvert tant de portes.

À nos fournisseurs Lapeyre et Point P, pour les matériaux nobles qu’ils nous ont donné.

Je repense à ce conseil municipal du mois de décembre 2010, où devant l’assemblée des élus de la ville d’Aubervilliers, à l’unanimité le projet à été adopté…

Indubitablement, l’aura de l’Abbé flottait parmi nous.

Ce moment, je ne l’oublierais jamais, car vous veniez d’accepter une idée nouvelle, quelques part « révolutionnaire » : un chantier d’insertion, spécialisé dans la construction de maisons en matériaux de réemploi, une première pour nous que de construire avec un étage, nos bagages de difficultés, mais notre conviction inébranlable sous le bras.

Nous avons été certes lents à les accomplir, mais nous n’avons jamais baissé les bras, car vous nous aviez donné un invincible espoir : celui de redonner un logement digne à des familles dans le besoin.

Je repense aussi à notre rencontre avec François TACONET à Habitats Solidaires, à l’époque où nous en étions encore à définir les bases de notre structure.

Son œil avisé, ses conseils pertinents, son professionnalisme n’ont fait que nous renforcer dans nos convictions.

Pour cela François et tout le reste, un grand merci.

Merci à nos partenaires institutionnels, au département, mais aussi à la DIRECCTE, au PLIE, à Pôle emploi, il y a un peu de vous dans tout ceci.

Un énorme merci à nos amis, bénévoles, stagiaires, qui ont été nombreux à venir nous prêter main forte : Yaya, Olivier, Sami, Gabrielle, l’école d’architecture de Paris Malaquais et nos futurs conducteurs de travaux de l’ESCT de Vincennes.

Christina, merci d’avoir été notre architecte façon « bonne étoile », prête à tous les défis et par n’importe quel temps à donner corps à nos idées les plus farfelues.

Mais je voudrais profiter de la parole qui m’est offerte non pas pour demander de l’argent et des projets (même si nous en avons évidemment besoin et je me tiens à votre disposition d’ailleurs à la fin de cette inauguration pour en parler), ni solliciter de l’aide, ni pousser un cri de guerre – encore qu’il faut continuer plus que jamais à soutenir les structures d’insertion pour que de telles réalisations voient le jour, ne plus jamais fermer la porte aux « porteurs de rêve », et si quelqu’un devait se présenter à vous ainsi, prenez le temps de la réflexion, les grandes choses sont possibles avec de petits moyens -.

Non, la parole que je prends ici je l’a prends pour Frédéric, Pascal, Eddy, Xiao Quan, Jean-Jacques, Amélie, Lukasz, Sofiane, Gulbat, Javid, Baryalai, Eden, Jean Eddy, Sindou, Helder, Farid, Yurek et notre cher Yves car sans toi nous n’y serions pas arrivés.

Mais aussi pour nos compagnons d’Emmaüs : Zouir, Bamba, Ferhat, Piotr, Issam, Daniel, Olivier.

C’est à vous que je veux m’adresser, vous avez fait une grande et belle chose tous ensemble, non seulement vous avez redonné un toit à des familles, mais vous êtes allé au-delà de vos limites, de vos peurs, de toutes les incertitudes qu’il y avait dans vos vies respectives.

Vous avez relevé les manches, sous la pluie, la neige, le vent, le soleil frappeur, vous avez avancé ensemble dans la même direction.

Jamais je n’ai lu le découragement dans vos yeux, votre courage et votre persévérance sont une victoire pour vous, une fierté pour nous.

« Le courage est cette qualité supérieure qui nous permet de faire face d’un cœur égal aux multiples désagréments de la vie. »

Je souhaite du fond du cœur que vous vous souveniez toujours de ce moment, quel que soit le chemin que prendra votre vie.

Vous l’avez fait et cela personne ne pourra jamais vous l’enlever.

Un grand merci à vous, c’est un privilège pour moi que de travailler avec vous.

Pour terminer, je voudrais adresser un petit clin d’œil là-haut, que nous soyons croyant ou non, là n’est pas la question, je sais juste que nous avons chacun une force en nous qui nous pousse à faire les choses.

Il y a une phrase de l’Abbé Pierre qui ne cesse de m’accompagner dans mes tâches quotidiennes :

« Sur ma tombe, à la place de fleurs et de couronnes, apportez-moi les listes de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. ».

Claude, en tant qu’administrateur du lieu mémoire de l’Abbé Pierre à Esteville, pourrais-tu s’il te plaît déposer ces deux clés sur sa tombe de notre part à tous ?

Un petit geste pour une grande chose.

Merci à tous.